Aveuglée par sa rage et le besoin de vengeance qui en découlait, Rosalie avait complètement oublié la présence de l’humaine dans l’usine désaffectée. Tout ce qui comptait désormais était de faire payer à ses agresseurs la perversité de leurs actes. Et la vampire avait la ferme intention de réitérer la punition qu’elle avait infligée à ses propres bourreaux, bien des années plus tôt. Assister à la détresse de la jeune femme l’avait replongée dans son passé douloureux. Elle n’avait pas eu autant de chance. Personne n’était intervenu dans cette ruelle sombre de Rochester pour empêcher Royce de la malmener. Lorsque Carlisle l’avait découverte agonisante et nue, le mal était déjà fait. Depuis près de soixante dix ans, l’angoisse de revivre un tel cauchemar ne l’avait jamais quittée. Même si elle parvenait habilement à dissimuler ses craintes à son mari et à sa famille, un sentiment latent de terreur hantait ses jours et ses nuits. Avec tout ce qu’elle avait vécu, elle ne pouvait pas s’empêcher de répondre à la violence par la violence dans une telle situation. Elle voulait faire souffrir ces trois hommes aussi fort qu’elle-même avait souffert. Leur enlever la vie était tout ce qu’elle désirait, et pour parvenir à ses fins, elle était prête à éliminer tous les obstacles qu’elle rencontrerait sur son passage.

Lorsqu’elle avait brisé les cervicales du premier homme, elle n’avait ressenti aucune once de culpabilité. C’était comme si elle s’était dépourvue de toute morale. Elle ne se préoccupait pas non plus des réactions que les membres de sa famille auraient eu s’ils avaient assisté à une telle scène. Peut-être que Carlisle se serait fâché, ou qu’Emmett l’aurait considérée comme un monstre. Bien sûr, elle n’avait aucune envie de décevoir les personnes qui tenaient le plus pour elle. Mais depuis les récents évènements qui avaient ébranlé les Cullen, Rosalie n’avait plus aucun respect pour elle-même. Elle se détestait au point que devenir une meurtrière ne pouvait pas la faire se haïr d’avantage.

Alors qu’elle s’approchait de sa seconde victime, le vampire français tenta de s’interposer. Il attrapa le bras inerte du jeune homme, et celui de Rosalie de sa main libre, avec une fermeté non feinte. Surprise par le geste de Lio, un grondement sourd et menaçant s’éleva de la gorge de la belle blonde. Elle ne comprenait pas pourquoi il se mêlait de ce qui ne le regardait pas, alors qu’elle était sur un terrain de chasse vierge. Ces trois humains n’étaient pas sa priorité, ni la sienne. De plus en plus convaincue qu’elle avait à faire avec un vampire carnivore, elle réalisa que le combat devenait inévitable. Le français et la reine de beauté convoitaient tous deux les mêmes choses - pour des raisons sans doute différentes - mais le résultat était le même. La tension entre les deux créatures de la nuit venait d’atteindre des sommets, surtout lorsque le male attira la femelle contre lui, et l’entraîna de l’autre côté de la pièce.

Elle tenta de se débattre dans les airs, tandis qu’il essayait de la tourner dans l’autre sens. En une fraction de seconde, son échine heurta violemment le sol, dans un bruit assourdissant. Nul doute que si Rosalie avait été une humaine, sa colonne vertébrale se serait brisée dans cet impact. Au dessus d’elle, Lio l’observait avec dureté. Un mince filet de sang était en train de sécher sur la commissure de ses lèvres, ce qui ne fit que la conforter dans son opinion à propos de son régime alimentaire. Son corps puissant frôlait le sien, parfait, légèrement endolori par la chute qu’il venait de subir. Elle se sentait prise au piège, mais ne voulait pas montrer le moindre signe de faiblesse à son adversaire. Elle soutint son regard, d’un air menaçant, jusqu’à ce que le vampire se redresse.

D’un ton dépourvu d’émotion, et dans sa langue maternelle, il annonça à Rosalie qu’il n’avait aucune intention de s’en prendre à la jeune fille agressée, ni de l’exposer à la soif d’autres vampires, en y incluant Rosalie. Cette dernière lança un regard en oblique en direction de l’humaine, qui s’était recroquevillée dans un coin de la pièce. Les battements rapides de son cœur témoignaient de la crainte qui l’habitait.

« Tu t’imagines peut-être que je vais avaler tes salades ? » le questionna-t-elle, dans un français sans accent. « Je t’ai vu attaquer ces hommes et t’abreuver de leur sang. Rien ne dit que tu ne fera pas pareil avec elle. Sens son odeur. L’adrénaline rend son arôme encore plus tentant… »

Elle se redressa, et se mit en position défensive, entre Lio et la jeune humaine. Elle ne lui faisait pas confiance, elle était d’un naturel méfiant. Et elle avait horreur qu’on se fiche d’elle. Malgré la couleur de ses cheveux, Rosalie n’était pas idiote. Elle avait vu le français se nourrir du sang des trois hommes.
Ce dernier poursuivit son discours sur un ton plus doux, mais ses mots provoquèrent la rage de son interlocutrice. Comment pouvait-il se permettre de faire la morale à une vampire végétarienne, à la fille de Carlisle Cullen, le sage ?

« Je n’ai aucune leçon à recevoir d’un vampire qui se nourrit de sang humain. Tu n’as aucun droit de m’empêcher de leur infliger le châtiment qu’ils méritent. Quand à la fille, crois moi… elle a eu beaucoup de chance. Son traumatisme aurait été beaucoup plus fort si ces ordures étaient parvenus à leurs fins. » elle marqua une courte pause. L’humaine sanglotait en silence. Elle ne comprenait aucun des mots qui sortaient de la bouche de Rose. Elle s’exprimait en français et à une vitesse qui ne permettait pas à l’ouie humaine de suivre la conversation des deux vampires. « Je ne m’en prends pas à des innocents. Contrairement aux vampires de ton espèce. Ils méritent de mourir !!!! Maintenant dégage de là ! Ne m’oblige pas à me battre. Tu crois être bien placé pour parler, mais tu ne sais rien. Tu ne sais pas ce que l’on ressent quand on se fait... agresser de la sorte»

Pour la seconde fois, elle émit un grognement menaçant. Elle ne plaisantait pas. Si Lio persistait à constituer un obstacle sur sa route, elle l’attaquerait.